L’histoire financière a la fâcheuse tendance à se répéter. La comparaison entre l’essor d’internet dans les années 1990 et celui de l’intelligence artificielle (IA) depuis 2023 s’impose aujourd’hui à tous les esprits. À l’époque, le développement fulgurant du numérique avait alimenté une euphorie boursière sans précédent, avant que l’éclatement de la bulle internet en 2000 ne ramène brutalement les investisseurs à la réalité. Aujourd’hui, beaucoup s’interrogent : vivons-nous une situation similaire avec l’IA ? Et surtout, les marchés risquent-ils à nouveau de plonger aussi violemment qu’au tournant du siècle ?
Le spectre de la bulle internet
Au début des années 2000, la correction avait été d’une ampleur spectaculaire. Entre mars 2000 et septembre 2002, le Nasdaq 100 avait perdu -73 % (voir graphique). Lorsque la crise des subprimes éclate en 2008, le Nasdaq 100 évolue encore 60 % en dessous de son pic de mars 2000. Il faudra attendre mai 2015 (voir graphique), soit quinze longues années pour que l’indice américain retrouve enfin son niveau d’avant-crise.

Ce type de scénario, où la destruction de valeur dure plus d’une décennie, reste la hantise des investisseurs. Tant que les marchés corrigent sans s’effondrer durablement, la douleur reste supportable. Mais un choc comparable à celui de 2000 serait autrement plus dévastateur.
Pourtant, un enseignement majeur ressort de cette période : malgré les faillites en série et les capitaux évaporés, la technologie américaine est sortie victorieuse de la tempête. L’explosion de la bulle a consolidé l’écosystème de la Silicon Valley et posé les bases de la domination mondiale de géants comme Apple, Google ou Amazon. Autrement dit, les investisseurs ont perdu de l’argent, mais la révolution Internet, elle, a prospéré. Il n’est pas impossible que l’IA suive le même chemin, une phase spéculative suivie d’une sélection naturelle des acteurs les plus solides, qui en sortiront renforcés.
Un nouveau cycle dominé par l’Amérique
Aujourd’hui encore, les États-Unis mènent la danse. L’explosion des investissements dans l’IA, portée par Nvidia, Microsoft, Alphabet ou Meta, consolide la suprématie technologique américaine. L’Europe, elle, reste en retrait. L’indice Stoxx Europe 600 affiche une performance honorable de +12,8 % depuis le début de l’année, mais bien inférieure à celle du Nasdaq 100 (+20,9 %). Cette divergence illustre une nouvelle fois le déséquilibre structurel entre un continent tourné vers l’innovation et un autre encore prisonnier de ses rigidités.
Tout le monde voit la bulle, mais personne ne sort
Le paradoxe du marché actuel est frappant, tout le monde semble conscient du risque de bulle… mais personne ne veut quitter la fête. La dernière enquête de Bank of America (BofA) auprès des gestionnaires de fonds le confirme :
- 54 % estiment que les actions mondiales sont surévaluées, un record historique ;
- un tiers voient l’IA comme une bulle potentielle ;
- et pourtant, les allocations en actions sont au plus haut depuis janvier.
En clair, la logique cède la place à la liquidité. Tant que les flux d’argent frais alimentent les marchés et que le discours autour de l’IA reste porteur, les investisseurs préfèrent rester investis. Sortir trop tôt, c’est risquer de manquer la dernière jambe haussière ; sortir trop tard, c’est perdre une grosse quantité.
Une euphorie alimentée par la liquidité
Les bulles spéculatives reposent toujours sur deux piliers : 1) la liquidité abondante et 2) un récit séduisant.
Aujourd’hui, les deux sont réunis. Les conditions financières sont jugées les meilleures depuis 2021, les taux de la Fed baissent, et les investisseurs ont ramené leur part de liquidités à seulement 3,8 %, signe d’un appétit marqué pour le risque. L’allocation en actions a atteint son plus haut niveau en huit mois, tandis que l’exposition aux obligations est au plus bas depuis 2022.
Les “Sept Magnifiques concentrent une part inédite de la performance, ce qui renforce la vulnérabilité du marché. Un simple ralentissement de leurs résultats pourrait suffire à déclencher un repli brutal.
Bank of America a publié une tableau sur les grandes bulles financières (ci-dessous). En moyenne les hausses des bulles sont de 244% et durent 2.5 années.
La chute est en moyenne de 62%. Depuis le 10 mars 2023, les 7 Magnifiques ont progressé de 225%. Maintenant l’histoire ne répète jamais de la même façon.

Une rationalité limitée par la peur de manquer
Le moteur psychologique de cette bulle potentielle est le FOMO (la peur de manquer). Les fonds spéculatifs vendent parfois, mais les investisseurs traditionnels continuent d’acheter, encouragés par la perspective d’une baisse prochaine des taux et d’une économie résiliente.
En 2000 comme aujourd’hui, le problème n’est pas de savoir si une bulle existe, mais quand elle éclatera. À l’époque, rares sont ceux qui ont su sortir à temps. L’IA ne fera sans doute pas exception : la technologie survivra, mais tous ses acteurs et tous ses investisseurs surement pas
Antoine Fraysse-Soulier est responsable de l’analyse des Marchés chez eToro. Ayant plus de quinze ans d’expérience en finance de marché (Brokers, Asset Managers), il nous a rejoint en 2019 pour partager sa connaissance et son expérience à toute la communauté eToro.
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