Le S&P 500 a rebondit de 40% depuis le 8 avril
Bien que les marchés américains aient été fortement ébranlés en avril par les projets de tarifs douaniers du président Donald Trump, ils ont depuis lors connu un redressement spectaculaire, le S&P 500 affichant un rebond impressionnant de 40% (voir graphique) par rapport à ses niveaux les plus bas du 8 avril. Il enchaîne les records historiques alors que les données économiques ne sont pas reluisantes et surtout les créations d’emplois sont au point mort.

Bad News is Good News
Les récents records des indices à Wall Street reposent essentiellement sur la conviction des investisseurs qu’un assouplissement monétaire de la Fed viendra soutenir les marchés. Cette dépendance à la Réserve Fédérale a engendré un réflexe pavlovien : toute mauvaise nouvelle est perçue comme une bonne nouvelle, c’est le fameux “Bad News is Good News”, à savoir que tout signe de ralentissement est interprété comme une promesse d’argent moins cher. Les marchés sont devenus hypersensibles à la moindre intervention de Jerome Powell ou d’un gouverneur de la Fed.
Par exemple, le fait que les sociétés américaines privées aient détruit 32.000 emplois en septembre, une situation inédite depuis mars 2023, a suffi à transformer une faiblesse économique en motif de célébration avec de nouveaux records à Wall Street, une inversion de logique qui ne passe pas inaperçue.
Par ailleurs, le shutdown qui a lieu depuis le 1er octobre, signifiant une paralysie budgétaire, n’a pas enrayé la machine, car cela conforte les investisseurs que la Fed sera obligée de baisser ses taux. Wall Street peut donc enchaîner ses records.
La saga Donald Trump se poursuit
Sur le plan politique, la stratégie de Donald Trump continue de porter ses fruits : l’industrie pharmaceutique a accepté de prendre en charge une partie des droits de douane et de réduire les prix de ses médicaments aux États-Unis. En contrepartie, l’administration Trump va abandonner ses menaces les plus radicales. En conséquence, la prime de risque, qui avait fait du secteur “Healthcare” (Santé) l’un des plus touchés de l’année, a considérablement diminué, entraînant un net rebond des valeurs du secteur. Sur la semaine des titres comme Pfizer, Moderna ou Johnson & Johnson ont gagné respectivement +15%, +16% et +5%.
Trump arrive souvent à ses fins, mais pas dans tous les domaines. En effet, la Cour suprême vient de rejeter la demande de Trump de démettre immédiatement la gouverneure de la Fed, Lisa Cook, la saga continue. Concernant le shutdown, le vice-président JD Vance estime qu’un accord à court terme est possible, ce qui éviterait des licenciements dans la fonction publique.
Les investissements accélèrent alors que la créations d’emplois calent, c’est inédit depuis 60 ans.
Les économistes de JPMorgan ont récemment mis en avant la croissance annualisée de 11% des investissements des entreprises au premier semestre 2025, notant que cette dynamique restait forte au troisième trimestre, alors même que la demande de main-d’œuvre semblait s’évaporer.
Inversement, la croissance de l’emploi aux États-Unis a subi un ralentissement marqué. Sur les trois derniers mois jusqu’en août, la moyenne mensuelle de créations d’emplois n’a été que de 29 000, un chiffre bien inférieur aux 82 000 enregistrés sur la même période en 2024.
Pris à la lettre, certains indicateurs du marché du travail suggèrent une récession. C’est un signal que les marchés des actions et du crédit semblent ignorer, malgré l’inquiétude affichée par les responsables de la Fed.
Deux scénarios possibles selon JPMorgan
Une vision optimiste prévoit que le déploiement réussi de l’IA et des nouvelles technologies permettrait de freiner les embauches parallèlement à la diminution de l’offre de main-d’œuvre. Cet ajustement macroéconomique précis semble peu probable. Cependant, cette perspective s’accorde avec les restrictions migratoires et les expulsions, qui auraient abaissé le seuil de croissance de l’emploi “breakeven” – le nombre d’emplois mensuels nécessaires pour maintenir un taux de chômage stable – en dessous de 50 000.
C’est pourquoi certains estiment désormais que le rapport mensuel sur l’emploi pourrait bientôt devenir négatif, sans pour autant effrayer les marchés financiers.
À l’inverse, l’interprétation pessimiste de JPMorgan sur le découplage entre emploi et investissement est que la baisse des embauches reflète une prudence généralisée des entreprises, tandis que la croissance des investissements serait le dernier soubresaut d’un boom étroitement lié à l’IA. Il serait voué à s’essouffler.
Si tel est le cas, le ralentissement du marché du travail pourrait finir par peser sur le pouvoir d’achat des ménages, accentuant l’impact de toute inflation liée aux droits de douane ou au dollar.
La saison des résultats du T4 va s’ouvrir
La prochaine saison des résultats sera particulièrement révélatrice. Elle fournira des informations détaillées sur les dépenses en IA des géants technologiques tels que Microsoft, Alphabet et Amazon. De plus, elle montrera comment le secteur industriel tire parti de l’expansion rapide des centres de données et autres infrastructures physiques.
L’équipe en charge des actions américaines chez HSBC prévoit que la saison des résultats du troisième trimestre validera et renforcera probablement la stratégie d’investissement dans le secteur technologique. Sur le total de 1000 milliard de dollars de trésorerie détenu par les “Mag 7”, elle estime que 414 milliards seront consacrés aux investissements, Apple ayant encore une marge de croissance significative dans ce domaine.
Cependant, cela n’apporte pas de solution satisfaisante à l’énigme économique actuelle, car un ralentissement des dépenses d’investissement dans l’IA semble inévitable. La contradiction apparente entre la prudence en matière d’emploi et la confiance dans l’investissement des entreprises peut-elle se maintenir longtemps ? Cette question restera probablement prédominante jusqu’à la fin de l’année.


